Alyssa est une jeune femme qui semble bien perdue dans son quotidien, entre les semaines à étudier la philosophie du soin dans son école d’infirmière et les week end à festoyer pour oublier les turpitudes sans fins.
Pourtant la semaine à venir s’avérait fort peu conventionnel pour la jeune femme.
Tout débuta lundi sur son lieu de stage , dans un service de médecine accueillant beaucoup de personnes âgées souffrant de problèmes cardiaques et autres maux liés à l’âge. Elle prit son service à 6h du matin, les yeux encore embrumés par la ferveur de son samedi soir et de son dimanche trop court pour récupérer. Elle entra dans la chambre numéro 427, adressa un bonjour accompagné d’un sourire forcé à un vieux papy. Il l’observait lui prendre la tension machinalement tandis qu’elle pointait dans la foulée le thermomètre laser sur son front.
« Vous allez bien mademoiselle ? » demanda le vieil homme d’une voix préoccupée.
« Oui monsieur, je ne suis pas encore tout à fait réveillée mais ne vous inquiétez pas, de plus c’est à vous que je devrais poser la question » répondit Alyssa sur un ton peu convainquant tout en s’excusant de son détachement de ce matin.
Le monsieur lui prit le poignet avant qu’elle ne finissent de “descratcher“ le tensiomètre et de son autre main il sorti une carte de la petite poche de son haut de pyjama.
« Tenez jeune fille, un as de coeur pour vous redonner le sourire, j’ai l’impression qu’il vous sera plus utile qu’à moi » rajouta l’homme avec un clin d’oeil.
Alyssa prit le présent et le mit dans la même poche sur son pyjama de travail. Jusque là rien de surprenant, elle fit naturellement les transmissions des constantes à l’infirmière qui était responsable de son encadrement. Elle arriva à la chambre 427, mais l’infirmière la stoppa de suite dans son exposé des constantes du matin, expliquant que le patient qui occupait cette chambre venait de décéder dans la nuit et ne se trouvait plus dans la pièce. Alyssa dut s’asseoir un instant avant de courir au fond du couloir pour se rendre compte qu’effectivement la chambre 427 était vide. Elle se dit « ben ça c’est la meilleure! » heureusement que le lendemain elle avait une journée de sortie de stage qui lui permettrait de se recentrer en discutant avec ses camarades de promo.
Elle ne pensait pas si bien dire, effectivement mardi elle se rendit à l’institut de formation en soins infirmiers pour une journée sur le thème de la relaxation et ses bénéfices pour le patient hospitalisé.
La journée s’annonçait sur de bon hospices, la promo était divisée en quatre groupes et elle se retrouvait avec ses meilleures amies, prête à se détendre . L’intervenante experte en technique de relaxation en tous genre s’avérait assez douée dans son domaine. L’après midi elle proposa une séance de visualisation pour se connecter à son moi profond. Une musique douce entrecoupée de sons de vagues s’échouant sur la plage détendait l’atmosphère poussiéreuse de cette vieille salle de classe. Les étudiants étaient allongés sur des tapis de gym pas très épais rendant leur dos douloureux, mais rapidement la douce voix de l’intervenante su venir à bout des tensions musculaires. Elle proposa un voyage intérieur sur un chemin sablonneux traversant dunes et marais au bord d’une mer calme et tranquille. Alyssa se laissait emporter par l’instant, elle oublia le lieu dans lequel elle se trouvait pour cheminer sur ce sentier sablonneux. Elle y fit une rencontre merveilleuse au détour d’une dune, un femme vêtue d’une robe vert émeraude lui remis une carte. Cette dernière était légèrement dorée, elle représentait un cheval ailé et avant qu’Alyssa n’en comprenne le sens la femme avait disparu. C’est à ce moment que l’intervenante de sa voix douce et suave demanda aux étudiant de revenir à ici et maintenant aussi paisiblement que possible ce qui fit disparaitre la carte des doigts de la jeune fille. Alyssa était encore chamboulée par sa rencontre lorsqu’elle essayait de rouler son tapis qui avait décidé de s’enfuir vers le fond de la pièce. Elle souffla et se dirigea vers l’arrière de la pièce ou le coriace venait de s’envoler manquant de taper le nez de sa collègue de promo derrière elle. En se baissant pour le ramasser elle vit une petite carte coincée entre les lames du parquet , elle s’avança vers elle et réussit à l’extirper de la vieille lame. Quelle surprise quand elle vit qu’un cheval ailé peint à l’aquarelle la regardait avec ses yeux brillants et en dessous un encart aux liserés doré mettait en valeur la phrase suivante « envole toi, suis ta destinée ».
L’intervenante qui vit son étudiante quelque peu sidérée au fond de la pièce, vint la rejoindre pour voir si tout se passait bien pour elle. Alyssa lui montra la carte visiblement issue d’un vieux jeu de tarot divinatoire. L’intervenante ne fut pas étonnée de la découverte, elle expliqua qu’auparavant et cela durant plusieurs décennies l’établissement servait de lieu de retraite pour une congrégation religieuse mais elle ne savait plus de quelle ordre exactement. En tous les cas le tarot divinatoire et les séances de spiritisme n’étaient pas exclus des soirées entre soeurs, et certaines offraient leurs services à des familles aisées du coin.
Alyssa reparti avec sa carte et se rendit dans son studio. A peine rentrée, elle se dirigea vers un petit manège musical que sa grand mère lui avait offert avant son départ pour la grande ville et ses études. Elle trouvait ce manège triste et vide, ses barreaux multicolores tournaient sans personnage à soutenir. Ainsi à l’aide d’une pince blanche elle fixa la carte le long d’une des barres solitaire. Le cheval ailé suivait à présent l’as de coeur qu’une pince rouge écarlate maintenait sur une barre aux rayures bleutées.
Mercredi soir rimait avec Zumba pour Alyssa, bouger sur des rythmes endiablés l’aidait à supporter le reste de la semaine. Elle se trouvait peu en forme physiquement mais trop en forme devant son miroir qu’elle se résolut à couvrir d’un drap. Sa journée à l’hôpital l’avait épuisée, elle s’était retrouvé au centre d’un drame familial. Des enfants ne comprenaient pas pourquoi leur mère âgée ne voulait plus manger, pour eux cela représentait pourtant la vie, l’envie de la poursuivre encore un peu. Mais la vieille femme désirait s’en aller vers d’autres rives ou d’autres mondes selon ses croyances, elle s’obligeait à rester car ses enfants ne voulait pas la laisser partir. Elle attendait qu’une de ses filles lui dise « part, tout va bien, ne t’en fait pas pour nous » Alyssa lui tenait régulièrement la main, son statut de stagiaire lui permettant encore de prendre du temps pour ce genre d’accompagnement non quoté par l’administration.
Alyssa se disait que cette séance sportive était la bienvenue, pour stopper son mental qui n’arrêtait pas de la dissuader de changer d’étude. Elle sentait bien que quelque chose ne lui convenait pas dans le cursus choisit malgré les bonnes notes et les appréciations élogieuses qui arboraient son cahier de suivi.
Le tamtam d’une mélodie africaine la sorti de ses ruminations, ses pieds se mirent à bouger vers la droite puis la gauche, puis les bras, puis la tête et ainsi de suite jusqu’à épuisement et la fin de la séance. Tandis qu’elle se rhabillait en enfilant son bonnet à pompon bleu et blanc elle vit quelque chose tomber du sac à main de l’énergique Tina la metteuse en scène des séances de Zumba. Elle interpella Tina tout en ramassant le petit bout de carton qui venait de s’échouer sur le sol entre deux flaques de sueurs. Elle le prit entre ses doigts et le tendit à Tina sans vraiment y prêter attention. Tina la remercia en la regardant de ses yeux verts presque hypnotisant, elle ne devait pas avoir de problème de petit ami pensait Alyssa légèrement envieuse.
« Garde-là Alyssa, si elle est tombée s’était qu’elle devait être pour toi »
« Mais enfin, n’est tu pas attachée à ce .. » Alyssa regarda la carte de plus près, une fée à la tenue pastel dansait en faisant virevolter ses ailes translucides au centre d’un fleur de lotus.
Tina lui répondit que cette carte lui avait donné le chemin pour se lancer dans la danse, toutes les danses et d’en transmettre l’énergie au monde. Si elle est tombée c’est qu’elle n’en avait plus besoin et qu’à présent elle s’adressait à quelqu’un d’autre et que ce n’est pas par hasard qu’elle se retrouvait entre ses doigts. Alyssa reparti encore une fois avec une autre carte, elle se demandait si elle était entrain de rêver sa semaine. Comme l’as et le cheval ailé, la fée se retrouva fixée à l’aide d’une pince rosâtre contre une des barres colorés du manège musical.
Jeudi, sa mère était en ville et toutes les deux allèrent diner au restaurant du coin de la rue dont les spécialités indiennes faisaient l’unanimité des gastronomes. Elles étaient confortablement installées sur une banquette, l’une en face de l’autre , dégustant un curry d’agneau aux épices envoutantes. Au moment de régler l’addition le serveur vint avec un jeux de carte . Les deux femmes se demandaient bien ce qu’il leur voulait, si en fin de compte le restaurant n’était pas une couverture pour un quelconque tripot mafieux . Le jeune homme vit à leur mine interrogative qu’elle venait pour la première fois et leur expliqua le concept innovant du patron. Le chef permettait à ses clients de gagner un repas gratuit pour celui qui tirerai la carte représentant une vache sacrée, et ce soir elle n’avait pas encore trouvé preneur.
« Tire là toi !» lança sa mère à Alyssa même pas étonnée de se retrouver à devoir choisir une carte
« Je ne suis plus à une carte prêt… »
Elle s’exécuta mais aucune vache sacrée ne se retrouva entre ses doigts mais plutôt un bel éléphant bleu qui semblait effectuer une danse des sept voiles. Alyssa voulut rendre la carte au serveur mais ce dernier refusa en expliquant que chaque carte appartient à celui qui la tire.
Encore une fois Alyssa se retrouvait avec une énième carte à suspendre après son manège. Elle se disait, quelle semaine, je dois surement être envoutée ce n’est pas possible autrement.
Enfin le vendredi matin, mais Alyssa n’avait pas la force d’aller sur son lieu de stage, car son système digestif en avait décidé autrement. Elle se tordait de douleurs dans son lit, puis sur ses toilettes puis dans le bus qui la conduisait chez son médecin traitant. Elle pestait contre les épices de son repas d’hier soir qui devaient surement être à l’origine de son état.
Dans la salle d’attente deux petits vieux la regardait se masser le ventre et faire des aller retours aux toilettes. Elle entendait la femme murmurer à l’homme à ses côté, surement son époux, de ne pas utiliser les toilettes car ils devaient être contagieux à présent. Alyssa fulminait, au lieu de la regarder comme un danger ils feraient mieux de la laisser passer avant eux. Bref son tour arriva, le médecin la regarda en souriant.
« Ben ma petite que vous arrive t-il? »
« Une indigestion je présume, j’aurais jamais du suivre les recommandations du guide culinaire de ma gazette étudiante. »
Le médecin commença par relater ses expériences identiques dans de nombreux restaurants à travers le monde avant d’ausculter Alyssa. Il confirma les doutes de cette dernières, en prononçant les mots infection intestinale peut êtres dues aux mains mal lavés du serveur. Et elle se souvint des cartes pour gagner son repas gratuit, si tous les clients les avaient touchés auparavant je comprend mieux maintenant. Le généraliste lui fit un arrêt de travail et lui conseilla quelques jours de diète et une journée de jeûne à partir de maintenant. Il remis également sa carte de visite si jamais sa situation ne devait pas s’arranger. Elle rentra par le premier bus, le chauffeur lui demanda d’acheter une carte rechargeable car son abonnement venait de se terminer.
« Zut je n’avais pas remarqué que nous étions le premier du mois! »
Arrivée dans le sas d’entrée elle en profita pour ouvrir sa boite aux lettre, seul une petite carte s’y trouvait: elle promettait le retour de l’être aimé et de la chance à qui viendrait consulter un certain Monsieur Stardust. Bref de retour dans son appartement elle accrocha les trois cartes du jour après la dernière tige de son manège et tourna la clef du mécanisme . Tandis qu’Alyssa s’allongeait sur son canapé, le manège se mit à tourner lentement sur une douce musique qui vint à bout de l’insomnie de la jeune femme.
Elle se réveilla le lendemain matin, ses crampes se faisaient des plus discrètes laissant son ventre grommeler de faim. Elle alla se faire griller une tranche de pain et chauffer de l’eau pour sa tisane à la fenouil. En s’installant devant son bol elle jeta un regard vers le manège, oh surprise les cartes semblaient avoir disparu sauf une. Elle se releva pour décrocher celle qui restait mais quelle étonnement:
La carte représentait un cheval ailé surmonté d’une fée rieuse avec une fleur de lotus retournée qui couvrait le haut de sa longue chevelure. Sur sa robe bleu pastel un coeur sortait de la trompe d’un éléphant accompagné de poussière d’étoile. Et la phrase suivante se trouvait dans un liseré doré « ta destinée t’attends dans le bus en bas, que ta danse prenne son envol ».
Alyssa regarda par la fenêtre de son logement, elle y vit effectivement un bus, une voix lui criait de se dépêcher de descendre. Alyssa obéit sans penser à quoi que ce soit, elle descendit les marches de son immeuble comme par magie avant de se retrouver face à Tina qui d’un air espiègle lui dit : « Enfin, je commençais à désespérer »
Dans son appartement la carte disparut laissait place aux originales, l’as de coeur s’envola vers le ciel par la fenêtre laissé entre-ouverte, le cheval ailé se glissa discrètement entre les lames du parquet derrière la plante verte, la fée s’était déjà glissée dans la poche du sac de danse d’Alyssa au moment de quitter son logement, l’éléphant se transforma en vide poche qui recueilli la carte du généraliste, celle du bus et celle du chamane.
Alyssa partit dans le bus de Tina qui était non seulement danseuse de Zumba mais également une sorcière des temps modernes qui savait deviner dans les cartes ce que le destin réservait aux âmes perdues. Pensez bien que ce n’est pas sa carte personnelle qui tomba de son sac à main, mais une de son oracle consacré à la quête des âmes un peu maladroites à la recherche de leur destinée.
Ainsi Alyssa pu lier sa passion pour la musique et la danse grâce à l’école de Tina la bien nommée « Traces de pas, cartes sans écarts »
Illustration tirée de l'oracle Tao aux éditions Gange
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